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02/11/2009

"Résister au libéralisme " : une grande enquête (cruciale et surprenante) de François Huguenin sur les "penseurs de la communauté" [1]

...ces intellectuels anglophones, souvent chrétiens, qui cherchent par où sortir darrobe-ubu.jpgu champ de ruines (mentales et sociales) créé par l'Ubu libéral :


 

1. Au centre du malaise occidental aujourd'hui, il y a la disparition de l'idée de « bien commun ». Le « bien commun » n'est pas l'addition des biens particuliers et il est différent d'eux. Il est le bien de la communauté, de la Cité, garant régulateur des intérêts privés. Il requiert donc deux choses : un outil politique, capable de le discerner et de le faire prévaloir ; et des valeurs partagées entre les membres de la Cité, pour qu'ils acceptent de laisser le bien commun se superposer aux intérêts privés. (Nécessité d'un minimum d'accord sur ce qui est « bien »...). Or le politique et les valeurs partagées ont disparu à la fin du siècle dernier, disqualifiés par l'hyper-individualisme matérialiste mercantile : celui-ci étant le contenu réel de la « pensée zéro » libérale, instaurée sous la droite puis assumée par la gauche.

Telle est « la désaffection politique à laquelle sont confrontées les sociétés occidentales », constate François Huguenin au chapitre 12 de son nouveau livre, Résister au libéralisme [*] : « Les anciennes structures, notamment les nations, au sein desquelles le politique s'est incarné durant des siècles, ne sont plus capables de fédérer un vivre-ensemble qui ne soit pas une juxtaposition d'intérêts individuels. » Le résultat est sous nos yeux. Face à la crise déchaînée par l'Argent, seul pouvoir subsistant, le politique se réduit à des gesticulations sans lendemain : Obama, Sarkozy etc. Peut-il ressusciter ? « Il n'est pas garanti que les vieilles structures politiques, celles des Etats-nations, soient capables de réinvestir le champ politique qu'elles ont laissé se dissoudre dans le tissu sociologique et idéologique de la démocratie libérale », note Huguenin. Alors comment retrouver la notion (vitale) de bien commun, dans le champ de ruines créé par vingt ans d'Ubu libéral ? « L'avenir peut ménager des surprises », dit Huguenin. Il nous propose d' « écouter la voix des penseurs de la communauté ».

Penser la « communauté », c'est se libérer de la pensée-zéro niant qu'il y ait quoi que ce soit hors le « marché ». Qui a ouvert le chantier de cette libération ? Première surprise : des anglophones ! Dans les années 2000, alors que la droite française continuait à se rouler dans le libéralisme des eighties (feu Milton Friedman), des penseurs anglais ou américains constataient qu'un monde absolument libéral ne serait plus tout à fait humain. Alasdair McIntyre, Michael Sandel, Quentin Skinner, Charles Taylor, Michael Walzer : qui en France a entendu parler d'eux ? L'ouvrage d'Huguenin explique leurs divers cheminements pour sortir du libéralisme – en d'autres termes : renouer avec la cité des hommes.

La première partie du livre peint, a contrario, le « libéralisme impossible » de John Rawls. Idéologie du « contrat » qui a régné à la fin du XXe siècle, la théorie rawlsienne prétend compenser l'émiettement des valeurs par le protocole et le « consensus » : un consensus sur la « liberté » (au sens libéral), transposition sociétale du libre-échangisme économique.

La liberté ? Mais pourquoi pas aussi la paix, le partage des richesses, le respect de la vie humaine, le souci de l'environnement : faut-il laisser ces choses essentielles à la merci des préjugés privés, innombrables et contradictoires ? Eriger la liberté comme seule valeur partageable ne veut rien dire et ne remédie à rien (d'où la nullité de nos états-généraux et autres « grenelle ») : si l'émiettement est bien le problème d'aujourd'hui, lui garantir de se propager sans limites ne sera pas la solution ; aporie dans laquelle tous les Etats-nations occidentaux – notamment le nôtre – sont enfermés à présent.

D'autre part, la liberté libérale, liberté abstraite d'un individu centré sur lui-même, est celle d'un être imaginaire : dans le monde réel, l'individu a besoin des autres même pour l'épanouissement de ses propres désirs légitimes. Moi et les autres : la communauté...

[ à suivre ]

[*]  Résister au libéralisme - Les penseurs de la communauté (éditions du CNRS).

 

 

15:33 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : christianisme

Commentaires

PASSIONNANT

> Lu ce livre ce week-end, passionnant! Dense, touffu mais toujours clair; riche comme un repas de fête, qu'il faut ensuite prendre le temps de digérer pour en tirer les nutriments. Quelques premières réflexions "à chaud":
- une correction tout d'abord, je conteste pour ma part que les noms des principaux penseurs anglo-saxons cités soient inconnus en France: il y bien dix à douze ans au moins que personnellement j'ai acheté et lu en collection de poche "Multiculturalisme" de Charles Taylor (sans parler des ouvrages de Cavanaugh traduit en français) et pris connaissance des biographies et études sur ces auteurs et des nombreuses recensions de leurs oeuvres parus dans diverses revues.
Sur le fond maintenant:
1) Les communautariens ne sont pas communautaristes au sens péjoratif (à juste titre à mon avis) que l'on donne généralement à ce terme en France, l'auteur insiste sur ce point. Leur définition de la communauté reste toutefois floue, Huguenin en convient; elle paraît souvent plus jouer le rôle d'une "idée régulatrice" pour s'opposer à la vision libérale d'un individu délié de toute appartenance qu'elle ne possède de réel contenu substantiel et opératoire. Dans sa conclusion il laisse même entendre que malgré tout c'est peut être encore dans le cadre de l'Etat-Nation que cette communauté pourrait trouver sa réalisation pratique.
2) Le "républicanisme" (et je l'avoue sur ce point le livre est salutaire), malgré sa réelle volonté et sa sincérité, échoue à représenter une alternative sur le fond à l'individualisme libéral tant il partage avec lui les présupposés anthropologiques qui sont ceux des Lumières (avec un angle de vue un peu différent c'est aussi la constatation de tout un courant d'anciens marxistes en France, tel Michéa par exemple) . Pour ceux qui furent séduits par la forme mystique que le républicanisme a pu prendre dans sa version française (j'en fus), le constat est un peu rude. Mais n'est-ce pas l'évolution d'un Régis Debray, par exemple?
Il y aura sûrement beaucoup d'autres choses à dire sur ce sujet.

Écrit par : grzyb, | 02/11/2009

AVEC JOIE

> C'est avec joie que je vois de plus en plus d'ouvrages paraître sur le thème et aller dans le sens du mémoire que j'ai rédigé il y a peu !
J'ajouterai à cette analyse que la liberté au sens libéral est viciée dés le départ. Au sens libéral, "notre liberté s'arrête là où commence celle des autres". Autrement dit, ma liberté est nocive à mon prochain. "L'homme est un loup pour l'homme". Une conception de l'humanité désespérée et désespérante...
Il est plus qu'urgent de ramener l'Homme au centre du débat et, par là-même, le Bien Commun (terme qui a disparu du lexique politicien actuel et qui est pourtant la fin du politique).

Écrit par : Vincent, | 02/11/2009

GROS

> je sors ce matin d'un entretien avec un chef d'entreprise qui s'époumonne en affirmant qu'on marche sur la tête!
ce monsieur ne fait que du commerce de gros (sur internet) en viande bovine, ou céréalier.
Il y a dix ans, il était le roi du "pétrole" et gagnait formidablement bien sa vie, puisqu'il vendait toute la surproduction française aux allemands; depuis 2004 et l'entrée des pays de l'est, la conccurence est effrayante!
pire, le Brésil, l'Uruguay, le Paraguay, l'Argentine, alimentent en quantité astronomique le marché allemand qui est saturé (logique), mais à des prix imbattables !!!!
la libre conccurence tue même tout le monde, puisque les français qui n'écoulent plus leurs marchandises, sont en quasi faillite, les polonais et les pays de l'est, se retrouvent avec des stocks anormaux (alors qu'ils ont investi pour prendre des parts de marché) tandis que les paysans d'amérique latine n'en peuvent plus, étranglés qu'ils sont par les investissements demandés par les coopératives occidentales et l'impossibilité de vendre ni de récupérer leurs marchandises bloquées en Europe !
trop de concurrence tue tout le monde! c'est sur.

Écrit par : jean christian, | 02/11/2009

LACORDAIRE

> "Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime, et c'est la loi qui affranchit", disait déjà Lacordaire.

Écrit par : Michel de Guibert, | 03/11/2009

@ Jean Christian :

> Et la viande d'Amérique du Sud est sans hormone ? Les céréales sans OGM ?
Si oui, c'est à vérifier. Le contraire ne serait pas étonnant.
Sinon, le "monsieur" n'a qu'à promouvoir un peu mieux la qualité de ses produits.
Personnellement je ne mange pas beaucoup de viande, et qu'en j'en achète je vais la choisir chez le boucher du quartier (de plus en plus rare à trouver). j'ai au moins quelqu'un à qui dire que c'est de la cochonnerie si ça se dégonfle à la cuisson et que cela n'a pas de goût.
Le problème du libéralisme, c'est aussi que le consommateur accepte n'importe quoi.
Il n'y a pas d'excuse. Les promoteurs du boycott n'étaient pas des gens qui vivaient dans l'opulence.Bien au contraire.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Boycott
L'opinion manque d'esprit critique. De courage aussi. Il faut savoir aire des choix et les assumer. On ne peut pas consommer sans raison et avoir des exigences de qualité. le consommateur oublie aussi qu'à force de tirer les prix vers le ba sans exigence de qualité ce sont les salaires et les travailleurs qu'il martyrise, pas les profits. Le consommateur est l' "idiot utile" du patronat et du libéralisme. C'est sa bêtise et son inertie qui entretiennent le marché dont on se plaint des excès, pas le contraire.
Revoir le mot boycott...

Écrit par : Annie, | 03/11/2009

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